La Corée du Sud est l’une des nations les plus connectées au monde et s’est donc imposée ces dernières années comme une terre d’expérimentations pour contribuer à la définition des futurs standards de télécommunications internationaux. Dans un marché où la différenciation se fait par l’innovation, les opérateurs ont trouvé leur nouveau cheval de bataille avec la 5G. Objectif : les Jeux Olympiques d’hiver 2018 de Pyeongchang afin de garder un temps d’avance face aux Japonais ou aux Américains. Reportage.
Dans le pays de Samsung et de LG, la connectivité est primordiale. Leader dans le taux de connexion à la 4G, la Corée du Sud est couverte à quasiment 100% en LTE, tant par la population que le territoire, par les trois opérateurs locaux.
90% des Coréens en 4G
Le taux d’utilisation du réseau mobile très haut débit par les Coréens est proche de 90% avec 43 millions de personnes, dépassant largement les autres nations dans le monde comme les Chinois (57%) ou les Japonais (56,6%), à l’exception toutefois des États-Unis qui s’en approchent (83,7%).
Tout miser sur la 4G
Pour arriver à de tels résultats, les trois opérateurs coréens : SK Telecom, KT et LG U+ ont pris des décisions rapides pour le développement et le déploiement de la 4G, ainsi que parfois radicales comme LG U+ qui a décidé de couper son réseau 3G, remplacé par un réseau 4G unique.
Bouygues Telecom s’est inspiré de cette stratégie en France pour regagner de la valeur face à l’arrivée de Free. Le troisième opérateur a reconverti ses fréquences 2G 1 800 MHz pour la 4G, permettant d’allumer son réseau sur 63% de la population d’un seul coup.
La qualité du réseau fait grimper les revenus
Avec la qualité du nouveau réseau très haut débit LTE et l’introduction de nouveaux services, le revenu moyen par abonné (ARPU) est monté en flèche. Passant en 2011, année du lancement de la 4G en Corée du Sud, de 29,50€/mois en moyenne par client à 35,59€. Chez LG U+ par exemple, un client 4G rapporte en moyenne 43€/mois, porté par les forfaits illimités, allant de 45 à 90€/mois dont sont déjà clients 21% des 11,9 millions de clients de l’opérateur.
La consommation de data a elle aussi explosé, avec une moyenne de 5,34 Go/mois contre 1,8 Go en 2012. Les Coréens consomment beaucoup de vidéos et de musiques proposées par les différents portails des opérateurs.
Innover pour ne pas stagner
Cependant, depuis début 2015, si l’utilisation de la data continue d’augmenter l’ARPU est stable et ne croît plus. Difficile également d’attirer toujours plus de clients dans un marché aussi mature que la Corée du Sud où la pénétration mobile atteint 107,6%. Un problème pour les opérateurs qui cherchent à augmenter toujours plus leurs revenus.
Plutôt que d’ajuster les prix des forfaits, c’est sur le terrain de l’innovation que les opérateurs coréens comptent bien se différencier. Outre l’Internet des objets (IoT) qui arrive doucement, c’est sur la 5G que les efforts se concentrent particulièrement.
La 5G avec 10 Gb/s pour des usages démultipliés
La 5G est la future norme de réseau mobile, elle promet des débits atteignant les 10 Gb/s en descendant ainsi qu’une latence (ping) inférieur deux millisecondes (ms). Le réseau pourra gérer 1 000 fois plus d’appareils, apporter un débit 100 fois plus important et consommer 1 000 fois moins d’énergie.
Cette cinquième génération ouvre des perspectives dans les domaines de la voiture autonome, la connexion des maisons en zones rurales et/ou montagneuses, de la diffusion (Ultra HD, 3D), la réalité virtuelle ou augmentée, le travail et le jeu dans le cloud, l’industrie de la santé ou encore des objets connectés.
Une compétition internationale et régionale pour la standardisation
Prévue pour un lancement commercial en 2020, la 5G n’est pas encore standardisée. Même si des objectifs communs ont été définis, les moyens d’y parvenir peuvent être légèrement différents. Différentes régions du monde investissent dans la recherche et le développement afin d’imposer sa technologie au niveau mondial, via l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) et au sein du consortium rassemblant industriels, constructeurs et opérateurs, la 3GPP.
La 5G coréenne en 2018 pour les Jeux Olympiques
Outre les États-Unis et l’Europe, l’Asie compte également faire entendre sa voix. Trois pays sont en compétition avec bien entendu la Corée du Sud, mais aussi la Chine et le Japon. Le pays du matin calme réalisera les premières démonstrations lors des Jeux Olympiques d’hiver de 2018 à Pyeongchang, avant donc ceux d’été à Tokyo en 2020.
Partenariats entre opérateurs, équipementiers et universités
Afin d’atteindre cet objectif, les opérateurs travaillent avec des industriels et des universités pour mettre au point le réseau de demain.
Chez SK Telecom, on a choisi Nokia comme partenaire tandis que KT travaille avec la KAIST (Korean Advanced Institute of Science and Technology). Enfin LG U+ teste également la 5G dans ses laboratoires avec du matériel Nokia.
Ce dernier est très présent en Corée, il est le deuxième industriel d’infrastructures réseaux et le premier vendeur de solutions logicielles et matérielles auprès des opérateurs. Pour l’entreprise européenne, le marché coréen est aussi important en création de valeur que peuvent l’être les États-Unis et le Japon.
La 5G sur les ondes millimétriques
Côté technique, la 5G utilisera principalement les ondes millimétriques qui sont comprises entre 10 et 60 GHz. Des fréquences très hautes qui ont l’avantage d’être disponibles en quantité importante.
En effet, les fréquences actuelles (entre 700 et 2 600 MHz) sont très utilisées à la fois par les opérateurs mais aussi par la télévision, la radio, l’État, l’armée ou encore les réseaux privés. De fait, la largeur de bande disponible sur chaque fréquence est plus réduite, le débit dépendant de la largeur de bande, il devient alors difficile d’atteindre l’objectif de débit fixé pour la 5G.
Sur les ondes millimétriques, les opérateurs pourront utiliser 1 GHz pour délivrer les 10 Gb/s promis, soit 10 fois plus qu’à l’heure actuelle. D’autres techniques comme le MIMO vont permettre d’accroître les débits.
En Corée du Sud, les opérateurs utilisent la bande de fréquences 28 GHz, en France et en Europe, ce ne sera pas le cas puisque cette fréquence est utilisée par les satellites.
Une nouvelle architecture réseau
Le problème des ondes millimétriques, et des fréquences hautes en général, est que leur portée est moindre ainsi que leur pénétration à l’intérieur des bâtiments. L’architecture des réseaux mobiles va donc fortement évoluer via la multiplication des micro-cells, c’est-à-dire la multiplication des antennes avec des petites cellules, couvrant de faibles zones.
Pour les zones rurales à faible densité de population, la KAIST travaille sur les ondes NCT, entre 3 et 6 GHz, juste au-dessus de nos fréquences de téléphonie mobile actuelles.
SKT prévoit de déployer ses premières antennes 5G dans les futurs équipements sportifs des Jeux Olympiques 2017 de Pyeongchang comme la patinoire olympique ou encore les pistes de ski. Elles seront mises à disposition à la fois pour le grand public mais aussi les professionnels et notamment les chaînes de télévision qui pourront retransmettre via le réseau 5G.
Les opérateurs français se préparent activement à la 5G
L’IMT-2020 annoncera une description complète de la technologie choisie avec l’ensemble des spécifications entre juin 2019 et le début de l’année 2020. Vu la rapidité à laquelle travaillent les différentes équipes à travers le monde, le standard pourrait être défini avant. L’ensemble des opérateurs dans le monde pourront alors déployer leur réseau 5G standardisé.
Si les offres commerciales ne sont donc pas pour demain, certains opérateurs prennent de l’avance en densifiant le nombre de sites, c’est le cas en France de Bouygues Telecom qui a annoncé le déploiement de 50% d’antennes supplémentaires dans les zones très denses pour préparer l’arrivée de la 5G. Tandis qu’Orange expérimente la technologie à Belfort sur différentes fréquences.
Reste à savoir qui des européens, des américains ou des asiatiques parviendra à imposer les spécifications de la 5G. Réponses dans quelques années.
sources Romain Colas